28 janv. 2008

Quelques réflexions et enseignements sur la Société Générale.

C'est ma banque tout de même !
J'ai laissé passer la semaine pour voir un peu toutes les opinions divergentes, en particulier ceux qui connaissent tout sur tout et qui sont interviewés en 1er et se trompent 3 fois sur 4. Je tire juste les principales conclusions suivantes de cette affaire.

1) La 1ère est totalement évidente et devrait faire l'unanimité: Les patrons des grandes entreprises françaises sont indéboulonnables, quelques soient l'énormité de leurs erreurs. Ils n'ont de plus en général pas l'honneur d'assumer leurs erreurs en démissionnant (sans accepter le repêchage de leur CA s'entend).
Cette réalité devient éclatante lors des crises: On l'avait déjà vu dans le passé avec les ex dirigeants de France Telecom et de Vivendi, dont il a fallu attendre la quasi faillite et cessation de paiement pour les débarquer. On le voit encore tous les jours à Alcatel, et maintenant à un degré certe moindre à la Société Générale.
Attention: Je ne dis pas qu'ils sont mauvais. Ce sont au contraire en général d'excellents gestionnaires, de vrais génies dans ce domaine. Le problème est qu'on leur demande des décisions stratégiques, donc de la stratégie et non pas de la gestion (ce ne sont pas les directeurs financiers).
Or ceux ci ont commis de grossières erreurs stratégiques qui se voient d'autant plus à la 1ère période de crise.. Ce ne serait pas vraiment un problème car la stratégie c'est prévoir, et prévoir c'est se tromper. Cela deviendrait un problème si on persistait dans l'erreur.
Le vrai problème vient d'une politique de formation conduisant en France à des castes élitistes, de personnes certes très intelligentes et compétentes, mais à qui on a bourré le crâne durant des années qu'ils étaient l'élite ... Avec malheureusement pour beaucoup d'entre eux la certitude de ne jamais se tromper avec des comportements du coup absurde d'entêtement face aux erreurs (par exemple la politique d'entreprise sans usine d'Alcatel, donne des résultats catastrophiques par rapport à ses concurrents depuis plus de 15 ans...).
Dans notre cas, la stratégie impulsée a permis de propulser la Société Générale comme un géant mondial du secteur, mais en privilégiant la croissance au détriment des risques. Il suffit de lire la presse anglo-saxonne, fustigeant les contrôles peu stricts des activités de trading du Crédit agricole et de la Société générale (en particulier la volonté d'indépendance et de refus de hiérarchie farouches des traders de ces 2 banques, impossible outre manche). A ce titre leur hiérarchie, ne pouvant nier être au courant de ces contrôles trop légers que toute la place financière montrait du doigt, est 100% responsable des risques engendrés par ce manque de contrôle et donc des dérapages qui ont suivi.
On est bien loin de la loi d'airain du capitalisme américain qui sanctionne immédiatement les fautes faisant perdre de l'argent aux actionnaires. Et là, on en fait perdre un paquet.
C'est en France le problème le plus grave. Les 3 autres conclusions ci dessous peuvent faire l'objet de résolutions rapides, ou bien les problèmes sont plus anecdotiques.

2) 2ème conclusion évidente: Les contrôles de l'activité trading sont défaillants. Car il semble maintenant évident qu'il y a bien eu fraude depuis plus d'1 an.
Pour ceux intéressés par le mécanisme employé, vous pouvez lire cet excellent post d'experts du domaine.

Vous pouvez également lire la liste des contrôles qui auraient du être implémentés dans cet article de Silicon. Ne fait que mettre en évidence les erreurs de la hiérarchie, et l'incompréhensible maintien de la direction actuelle. A ce niveau là, on fait porter le chapeau à un individu qui est effectivement peut être un fraudeur, mais avec l'erreur de l'avoir fortement incité à la fraude.

3) 3ème conclusion évidente: Il y a une ambiance latente poussant les aspirants fraudeurs à la fraude. Malgré des salaires assez mirobolants (7000 euros par moi tout de même !) en mettant en lumière les stars du trading.
Vous pouvez à ce sujet lire cet excellent post. Et évidemment, cette ambiance pousse au crime conjuguée à des lacunes dans les contrôles...
Notez en outre qu'on retombe sur un des travers des castes élitistes cité pour le 1er problème. Mais là on parle de la frustration engendré par ces castes, qui visiblement vu le talent du présumé fraudeur pendant plus d'un an, n'ont pas le monopole de l'intelligence et loin de là.
Il est d'ailleurs probable que sans la crise, ses activités auraient pu continuer plus longtemps, tout comme il est probable que sans la crise, le dénouement de ces positions n'aurait été visible de personne.

Attention: Ne signifie pas, si les faits sont avérés, que le trader en question ne soit pas fraudeur. Engager secrètement et de façon dissimulée 50 milliards d'euros d'encours est bien et bien une fraude colossale, et mérite une lourde sanction. Une circonstance du type passion du jeu (on peut presque assimiler cette attitude et cette volonté d'apparitre comme le meilleur à cela) ne peut être selon moi considéré comme atténuante: C'était son métier et il savait parfaitement les risques que son comportement faisait peser sur la Générale. Sanction nécessaire donc.
Le manque de contrôle qui a permis ce type de comportement n'est pas non plus une circonstance atténuante (puisqu'il a tout fait pour les détourner). C'est simplement une lourde faute progfessionnelle de sa hiérarchie et de la direction de la banque. Et c'est pourquoi il est parfaitement anormal que celle ci ne soit pas lourdement sanctionnée, pas au pénal car elle semble vierge de ce point de vue, mais par les actionnaires.

4) Enfin 4ème conclusion évidente. Le manque de professionnalisme des journalistes et de quelques hommes politiques, qui comme d'habitude, sans rien connaître du domaine, distillent des informations du type "c'est impossible", "ils mentent ce n'est pas une fraude", ... Ce n'est sans doute pas la dernière fois, mais il reste amusant de le constater et de les entendre ensuite se plaindre de la diffusion de rumeurs infondées...

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