15 févr. 2013

Comment rédiger un brevet ou comment écrire un brevet - Partie1

Ce blog avait écris une certaine renommée à ces débuts en 2007 en décrivant de façon détaillée "comment écrire un brevet".


Ces anciens articles devenant partiellement obsolètes, j'ai donc les décider de les ré-écrire en démystifiant et en détaillant de façon précise comment faire pour rédiger un brevet.
Tout d'abord, sachez que le titre est en pratique incorrect:  vous allez, seul ou avec un assistant type cabinet de brevet, écrire une demande de brevet, et non pas écrire un brevet.

Une fois votre demande de brevet écrite, elle sera en effet transmise à l'institut en charge du dépôt du brevet dans votre pays ou état, par exemple l'INPI en France.  Il vous fournira un certificat de dépôt de demande de brevet (qui fera fois en terme de date d'antériorité en particulier).  Puis commencera le long circuit de contrôle de l'antériorité, avant plusieurs années plus tard une éventuelle délivrance du brevet si le caractère innovant est bien établi.
Mais dans le langage courant, on appelle dépôt de brevet le dépôt de la demande de brevet...

Notez que sans être un spécialiste mondial de l'écriture des brevets, j'en ai déjà déposé 25 et ai donc une petite expérience sur le sujet.  Surtout, cela m'intéresse beaucoup ...

Dans la série d'articles sur ce sujet je vais vous décrire les points suivants:
a) De l'idée d'un nouveau service à l'idée de brevet
b)  La 1ère étape de la rédaction d'un brevet:  La revendication principale
c)  L'écriture des variantes et des revendications secondaires
d)  L'écrire de la description de votre procédé
e) Le dépôt de la demande de brevet et les étapes ultérieures jusqu'à la délivrance éventuelle
f)  Les extensions internationales
g)  Les coûts et les alternatives au dépôt de brevet
h)  Les contestations et stratégies d'attaque ou de défense, très à la mode actuellement, en particulier avec la stratégie très offensive d'Apple dans ce domaine.
Les points a) et b) sont décris dans cet article.


a)  L'idée d'un nouveau service ou produit  et l'idée du brevet
Tout d'abord démystifions un peu.  Un brevet n'est pas un génial nouveau service ou nouveau produit, c'est plutôt un procédé, et le dispositif associé qui va permettre de résoudre une problématique.
Il faut simplement que cela soit innovant, à savoir que cela n'est pas déjà été inventé, et - ou (et c'est peut être le plus compliqué) que cela ne soit pas évident via la combinaison simple de procédés et dispositifs pré- existants.

A ce titre, le nouveau produit ou service génial cité ci avant peut soit ne pas être brevetable, soit peut être protégé par des dizaines voire + de brevets, si des dizaines de procédés et dispositifs innovants ont été conçus à cette occasion.  A conditions que ses concepteurs déposent lesdits brevets bien entendu ...
Ce qui signifie également que si ses concepteurs ne protègent pas tout, des concurrents pourront les copier sans contrainte légale sur tous les autres aspects de ce produit génial ...

Par exemple, si du jour au lendemain, alors que l'état de l'art en termes de connaissances se limite aux charrues et aux diligences, un groupe de géniaux inventeurs conçoit l'automobile moderne.

Imaginons que l'un d'eux, en charge du pare-brise, dépose un brevet portant sur un procédé permettant de créer un pare-brise incassable (pour la petite histoire, les éclatements de pare-brises étaient avant l'invention du verre feuilleté l'un des principaux problèmes de sécurité des automobiles au début du 20ème siècle  - il s'agit donc d'une invention remarquable). On l'appellera l'invention 1.

Notons qu'il faudra à un moment vérifier si cette invention 1 est vraiment nouvelle:  Peut être que le procédé existait déjà, par exemple pour la vitre incassable, pour un usage dans le bâtiment. Ce qui explique la phase de vérification que l'on traitera plus loin lors de l'analyse de la demande de brevet par les professionnels.
Un usage d'une technologie dans un autre domaine que celle initiale n'est donc théoriquement pas une invention, même s'il y a intérêt commercial ...

Ce nouveau produit génial, l'automobile, sera t-il bien protégé ?
Non.
Tous les concurrents pourront le concurrencer, mais par contre, ils devront, s'ils ne trouvent pas d'alternative à l'invention 1 ou s'ils ne peuvent la perfectionner pour la détourner.
Pour bien protéger un tel produit complexe, des centaines de brevets portant sur le moteur, les embrayages, la transmission, peut être la façon d'assembler les pièces mécaniques, voire les procédés de créations des matériaux utilisés, ...  seront nécessaires.

Une des alternatives au dépôt de demande de brevet, on le verra plus tard, est de conserver l'invention secrète ... à condition qu'on ne puisse facilement la déduire de l'assemblage du produit par une technique de rétro-conception (on démonte le produit pour voir comment il est fait en simplifiant ...).  Ce qui explique que ces secrets se limitent souvent aux moyens d'assemblage ou de création de matériaux, ... des produits et services finis. 

A l'inverse, de multiples produits ou services ne sont pas brevetables car ils n'apportent aucune innovation technique au sens des brevets.
Une innovation marketing ou commerciale, un nouveau packaging sympa ... ne sont pas brevetables. Donc lancer un produit existant sur un nouveau marché, ou avec un circuit de distribution repensé, lancer un appareil photo multicolore alors que tous étaient noir auparavant, ...  Tout cela peut générer un immense succès commercial, être considéré comme des innovations pour le grand public,  mais pas au sens des brevets...

Donc si vous avez un nouveau service ou produit génial dans vos cartons ou votre cerveau, il faudra d'abord savoir s'il est brevetable et ce qui est brevetable, par 1 ou n brevets. 

b)  Que faut il breveter - La revendication principale.

Tous ceux qui ont déjà goûté à la rédaction d'un brevet savent que le conseil d'un cabinet de brevet est indispensable, même pour quelqu'un de confirmé (avec maintenant 15 brevets à mon actifs, je me situe plutôt dans la catégorie initié, mais certainement pas confirmé). La problématique est d'écrire la revendication principale, celle qui définit ce que vous voulez protéger, soit en d'autre termes l'innovation qui fait toute la différence dans votre technologie.
Par exemple, dans l'exemple de l'invention de la voiture ci dessus, l'homme de l'art coté fabrication du pare brise décrira le dispositif de fabrication du verre feuilleté, ceux coté moteurs des dispositifs permettant au moteur d'être optimum, ...
Si vous êtes seul, peut être complexe et en particulier quand le spectre d'usages de votre technologie est vaste.  Car il faut faire abstraction du produit et de ses usages ... pour déterminer où est l'innovation (attention: 1 innovation = 1 brevet, sinon sera refusé pour cause de non unicité d'invention. J'en reparlerai plus loin)

Donc la revendication principale explique en 1 ou 2 lignes de quoi il s'agit (ce que cela permet), puis en 10 ou 30 lignes comment y parvenir.  Cette revendication principale est en général  formulée de la sorte: 
Procédé et dispositif   permettant ...ce que cela permet (A) ....  caractérisé par comment y arriver, ce qui se décrit en général par les différentes étapes nécessaires pour parvenir au résultat (B).
L'innovation est donc bien dans l'exécution, pas dans le produit final qui ne se brevette pas.

Ou si vous préférez, si pour parvenir à (A) (ce que votre innovation permet) plusieurs (B) (comment y arriver) radicalement différents sont possibles, cela se traduira par plusieurs brevets.
Ce qui laisse souvent la place aux produits concurrents, car le 1er qui propose un nouveau produit ou service sur le marché protège son idée (ou plutôt comment il arrive à créer son produit ou service), mais il pense rarement aux autres moyens d'arriver au même résultat, que ses concurrents protègent ...

Un exemple pour bien expliquer la formulation (ici totalement pipo, mais j'en commenterai un réel plus tard):

Brevet : Système et dispositif pour transformer du plomb et du fer en or caractérisé par
* Un 1ère étape selon laquelle  le fer est blabla  ...,
* Une seconde étape selon laquelle le résultat de ladite 1ère étape est alors mélangé  .. bla bla ...  jusqu'à obtenir le résultat intermédiaire  bla bla ...
* Une 3ème et dernière étape permettant en  bla bla ...  afin d'obtenir au final l'or désiré .

NB:  Si vous avez réellement ce type d'invention dans vos cartons faites moi signe ...

Cet exemple montre bien que le produit lui même n'a rien d'innovant.  L'or cela existe déjà.
La différence est dans le moyen de sa production.

Dans l'exemple ci dessus, les étapes sont en série, mais bien entendu elles peuvent se faire en parralèle durant une phase du processus.   Il peut y avoir 1 seule étape ou plus de 10....
  
La 1ère fois, ce n'est pas évident du tout.   La 1ère fois, vous pouvez mettre plus de 5 jours à écrire votre revendication principale ...
Il faudra ensuite la compléter par des revendications secondaires (qui précisent la revendication principale, décrivent les moyens, ..) puis  écrire le corps de votre brevet. C'est à dire les 5 à 15 pages de votre brevet.
Seront expliqués dans mes prochains articles sur le sujet.
A savoir absolument: Contactez tout de suite votre cabinet de brevet avec cette revendication principale et l'état de l'art si vous le connaissez (autres brevets et publications sur le même sujet, ...) pour voir si oui ou non est brevetable. Cela vous fera gagner du temps ...

c)  Que faire avec cette revendication principale ?

Comme indiqué ci dessus, elle servira de base à l'écriture de votre demande de brevet.
Mais avant cela, vous allez à partir de cette base explorer Internet pour vérifier que cela n'existe pas déjà quelque part (non pas ler produit final, mais votre dispositif).
Les professionnels vont rechercher et analyser des preuves d'antériorité durant de longs mois et années.  Vous pouvez, en tant que spécialiste de votre domaine, jeter déjà un oeil sur l'état de l'art ...
Internet suffit largement, mais vous avez également accès aux bases de données des brevets, soit via Google qui les indexe, soit via les bases très bien faites de l'INPI et d'Espacenet.

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2 commentaires:

  1. Bonjour,

    Je suis arrivé par hasard sur votre blog.

    Malgré pas mal de petites "approximations" rédactionnelles et simplifications "juridico-administratives", susceptibles de faire "réagir" un spécialiste en propriété industrielle, vos différents posts sur les brevets me paraissent un intéressant exercice de vulgarisation et de retour d'expérience, dont beaucoup de dirigeant de PME, TPE, ou autres personnes confrontées à la protection des "inventions" pourraient tirer bénéfice ...

    Vos remarques sur la collaboration nécessaire pour la rédaction des revendications entre inventeur-décideur d'une part et conseil en PI - ingénieur brevet rédacteur d'autre part, sont particulièrement pertinentes. Il est en effet assez fréquent que (faute de temps ..) les inventeurs-décideurs de l'entreprise fassent trop confiance au spécialiste pour cette partie très spécifique qu'est la rédaction des revendications, et ne s'investissent pas assez pour bien comprendre les atouts d'une bonne rédaction des revendications, et les risques d'une éventuelle limitation excessive trop centrée sur l'invention telle que réalisée, sans envisager ses "variantes" ou extensions. Il est certes dans le job de l'ingénieur brevet d'y penser, et de proposer éventuellement, mais ce dernier n'est pas non plus aussi expert que l'inventeur que sur le plan technique, et surtout ne peut pas forcément percevoir les implications stratégiques que cela peut avoir pour l'entreprise - futur propriétaire du brevet. L'inventeur, logiquement focalisé sur son invention, se crée involontairement des oeillères ; l'ingénieur brevet doit l'aider à les écarter ! ...

    Incidemment, je corrigerai au moins l'erreur sur le délai de publication qui est de 18 mois ( et non 12) après le dépôt.

    Quand au coût indiqué pour le dépôt d'une "demande de brevet français", la fourchette de 5 à 10 k€ en moyenne me parait quand même bien haute ... sauf à concerner des inventions complexes et nécessitant des descriptions longues, telles que ce qu'on peut trouver dans certains brevets de chimie, biochimie, ou parfois d'électronique. Pour ma part, dans des domaines touchant plus à la mécanique, l'électricité, les matériaux, l'énergie ... donnant lieu typiquement à des brevets de l'ordre de 15 à 20 pages, 5K€ est plutôt un max, et inclut souvent une recherche d'antériorité préalable (ou au moins un sondage pour limiter le risque d'une antériorité trop flagrante et fournir quelques documents représentant l'état de la technique servant de base pour définir l'invention, par comparaison). Par contre je dis en effet couramment qu'il faut raisonnablement prévoir un budget de l'ordre de 5000 € pour un brevet en France, qui va être consommé sur la première année (incluant donc le traitement du rapport de re cherche de l'INPI et la réponse à celui-ci), ou jusqu'à la délivrance du brevet 2 à 3 ans plus tard, dans les cas les plus favorables. Les aides financières telles que PTR que vous évoquez, ou autres aides à l'innovation, ne sont en effet pas à négliger !

    Incidemment aussi, il pourrait être intéressant, pour vos homologues entrepreneurs, de faire part de votre expérience sur les aspects stratégique de la mise en oeuvre des outils de propriété industrielle et l'exploitation de votre PI ainsi constituée (avec tout le respect de discrétion et de confidentialité que vous pouvez avoir sur ces sujets bien sûr !).

    Avec tous mes encouragements pour votre entreprise.

    Cordialement

    JL Leclaire - CPI

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  2. Bonjour et merci de votre longue analyse.
    Je vais modifier de ce pas l'erreur signalée sur le délai de publication, même s'il se trouve dans un des anciens articles de 2007.
    Je prendrai votre exemple sur la tarification dans mon futur article sur le sujet. Je n'ai en effet de retour que sur mon domaine d'activité.

    Un châpitre sur la stratégie peut être intéressant en effet

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