La piste étudiée ces derniers jours pour augmenter le pouvoir d'achat des français (le mot booster est un peu osé pour les 2 ou 3 % d'augmentation de pouvoir d'achat escompté) est de favoriser le lowcost par différentes mesures (favoriser le hard discount via une loi sur l'implantation commerciale de ce type d'enseigne, augmenter la concurrence sur des secteurs pour l'instant protégés (téléphonie mobile, transport aérien, ...).
Selon différents rapports, la France aurait en effet un important retard dans ce domaine par rapport aux autres pays européens, c'est à dire l'Allemagne qui fut un précurseur dans ce domaine depuis les années 1970. Notons en passant qu'aucun chiffre n'est donné sur les autres pays.
Les effets du low cost pour le pouvoir d'achat des consommateurs ont l'immense mérite d'être simples à comprendre. Si pour le prix habituel d'1 produit, le low cost vous permet d'en acheter 2, vous êtes évidemment gagnant. Virtuellement, sur ce type de produit, c'est comme si votre pouvoir d'achat avait été multiplié par 2.
C'est très simple à comprendre par tout le monde et on peut donc l'utiliser en politique: "Yaka favoriser le lowcost. Cela libèrera du pouvoir d'achat et en plus cela favorisera la croissance".
Seul bémol: Il faut combattre une idée reçue, celle selon laquelle le low cost signifie un produit de plus mauvaise qualité. Comme l'explique en long et en large les journaux et revues de ces derniers jours, comme ici par exemple, cela n'a rien à voir.
Comme toujours, les "yaka" si simples à comprendre ne fonctionnent en général pas, quand ils n'ont pas l'effet inverse. Le lowcost libère t-il vraiment du pouvoir d'achat ? Et la 2ème partie du yaka ci dessus est elle exacte ? (cela favorisera la croissance). Malheureusement la réponse est NON. Ou plus précisément, dans la situation actuelle pour l'Europe (et donc la France), le low cost ne libèrera pas de pouvoir d'achat et ne favorisera pas la croissance. Eventuellement ce low cost détruira du pouvoir d'achat.
Pourquoi ? Car la question est mal posée et la réponse "OUI le low cost libère du pouvoir d'achat" n'est exacte que si la condition suivante est respectée: "à salaire égal et à nombre d'emplois égal".
Explications:
Il existe en pratique 3 moyens de baisser les coûts d'un produit ou service.
* 1er moyen, l'innovation et le progrès technique: La baisse des coûts peut être brutale en cas d'innovation de rupture et engendrer un temps d'adaptation sur le secteur ou microsecteur concerné. C'est le cas par exemple de la production vidéo de type industrielle de Nevisto, avec des coûts unitaires divisé par au minimum 30. Mais en général, l'évolution est plus lente (quelques % par an maximum (automatisation, avancée sur un composant, ...). Notez que la baisse des coûts peut être masquée sur des produits complexes, sur lesquels on rajoute de plus en plus de fonctionnalités pour le même prix: PC qui deviennent graveur de DVD, puis avec réception TNT, .. Voitures qui intègrent en standard des autoradios, puis de l'ABS, ...
Il est possible de considérer que la baisse des coûts par l'innovation crée du pouvoir d'achat, avec le bémol suivant: Vrai dans les pays où a lieu l'innovation, car ils gagnent des parts de marchés sur les autres.
* Second moyen, produire en grande série, pour baisser les coûts unitaires: Là également, il est possible de considérer que cette baisse des coûts crée du pouvoir d'achat, avec cette fois ci un double bémol: Vrai dans les pays où a lieu l'investissement en capacités de production (là où il y aura l'emploi donc), et là où seront achetées les machines et savoir faire permettant l'investissement en capacités de production (crée des emplois dans ces pays également),
* Et enfin 3ème moyen, comprimer les coûts de production et de distribution en baissant les salaires: Là on détruit du pouvoir d'achat bien entendu dans un pays, si on baisse les salaires dans ce pays, ou bien on .... annule ce pouvoir d'achat si on délocalise la production.
Dans le cas de la France, le low cost libère t(il du pouvoir d'achat ?
On peut raisonnablement penser ne pas être trop mal placé sur le 1er critère, celui de l'innovation. On peut mieux faire de façon certaine, mais il y a aussi pire que nous. Par contre, les mesures annoncées (favoriser l'implantation d'hyper marchés lowcost, ...) ne concernent que le 3ème moyen, avec un fort impact sur le second.
Les mesures visent donc pour libérer le pouvoir d'achat à un niveau global, de réduire essentiellement coté distribution et services à la clientèle, les salaires (pas forcément de façon unitaire, mais en nombre de salariés de façon certaine). Globalement l'effet sera nul: L'augmentation limitée de pouvoir d'achat (quelques %) sur une grande part de la population (d'électeurs) sera compensée par la suppression complète de quelques milliers de postes.
Impact induit, ce type de sociétés lowcost spécialisées sur la distribution ou les services (téléphonie, transport) va chercher à s'approvisionner en produits moins cher, produits à bas salaires. Il est d'ailleurs amusant que la Logan de Renault soit citée en exemple. Elle est d'excellente qualité, pas chère, mais il n'y en a pas une qui soit fabriquée en France.
Donc ce phénomène conduit à supprimer des postes de production en France, et à favoriser des investissements en capacité de production .... hors de France dans des pays à bas coûts, les grands gagnants in fine du low cost. Je n'apprendrai rien à personne sur le fait que la majorité des investissements pour la production de masse sont faits en Asie, et non pas en Europe ou aux USA.
Et la France n'y gagne même pas sur les machines utilisées pour ces capacités de production (l'Allemagne et la Japon oui). Nous restons relativement bien placés coté savoir faire pour l'installation de ces capacités de production, l'ingénierie, ... mais ne compense pas du tout les pertes.
Bref, dans le cas de la France, les mesures étudiées pour favoriser le low cost, si elles libèrent un peu de pouvoir d'achat sur une grande part de la population, vont surtout avoir comme effet une accélération de la désindustrialisation, des milliers de licenciements en France, un creusement du dficit commercial, et in fine une perte de croissance.
La bonne solution serait la poursuite de l'excellent soutien à l'innovation, et surtout un soutien massif à l'investissement en France.
Dans la pratique, même s'il était peu réalisable, l'ancien slogan "vos achats sont vos emplois", était nettement plus proche de la vérité.
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