Série de 4 posts détaillant les stratégies des 4 géants du Net: Apple, Microsoft, Facebook et Google, en particulier leurs positionnements respectifs, leurs stratégie pour se contrer entre eux et pour s'iposer sur le marché mondial.
3ème étude: Facebook
Facebook: Une grande menace, mais encore peu de moyens
L'émergence depuis 7 ans des réseaux sociaux a finalement abouti à la création brutale ces 3 dernières années d'un leader tentaculaire à l'échelle mondiale, moins la Chine et la Russie(ce qui est désormais classique au niveau de l'ensemble de l'Internet, grâce aux barrières mises en place par ces derniers pays).
Début 2008, Facebook disposait de 70 millions de membres, dont la moitié aux USA (contre 120 millions de membres environ à la même date aux seuls USA pour son concurrent Myspace), Son CA estimé était de 150 millions d'euros et près de 100 millions de pertes annuelles.
En mai 2011, Facebook dispose entre 600 et 700 millions de membres (20 millions en France), dont près de 300 millions actifs. Son chiffre d'affaire estimé serait de 4 milliards d'euros, pour un bénéfice net d'environ 180 millions, c'est-à-dire supérieur à son CA de 2008 ...
L'émergence de Facebook peut sembler surprenante du fait que les réseaux sociaux sont spontanément mono pays et - ou mono linguistique. Le % de personnes d'une langue étrangère dans un réseau d'amis reste en effet faible, de l'ordre de 2% en moyenne.
D'ailleurs dans un 1er temps, les réseaux sociaux ont vu un seul leader émerger par zone linguistique. En outre, Facebook a du affronter dès le départ un leader beaucoup plus puissant que lui sur son pays d'origine, Myspace, sur un marché où le principal facteur clé de succès est, comme pour les site d'annonces, en particulier de rencontres, le nombre d'abonnés et non pas la technologie.
Pour s'imposer, Facebook a:
--> Déployé une stratégie de conquête d'abonnés très agressive, souvent limite déontologiquement parlant: Avec 2 axes forts pour le recrutement de nouveaux abonnés: Des requêtes systématiques pour collecter le carnet d'adresse de tout nouveau inscrit (sauf à être expert et savoir comment désactiver cette fonction dès la 1ère connexion), puis dans un second temps, le réseua lui-même (les amis de mes amis sont mes amis.
--> Bénéficié du soutien actif de la communauté Geek, dans de très nombreux pays occidentaux. Fut particulièrement vrai en France, avec un dénigrement systématique des sites concurrents (Skyblog et Myspace), allant jusqu'à des appels coté grands blogs (Techcrunch, …) à leur communauté pour participer gratuitement au portage de facebook en français ! Cette attitude a bien entendu dopé le lancement de Facebook en France.,
--> Bénéficié des erreurs stratégiques, ou du manque de moyens de ses concurrents,
o Erreur stratégique de Myspace, avec des évolutions très lentes et légères, pour ne pas perturber d'une parc leur parc d'abonnés pré existants, tout en gardant un écosystème fermé, alors que Facebook faisait appel à la communauté en publiant ses APIs
o Manque de moyens et erreurs stratégiques avec Skyblog, ultra leader en France, mais qui n'a jamais réussi à lever de fonds, tout en conservant un aspect "désordre" face à l'ergonomie standardisée de Facebook, et à la capacité de ce dernier à financer ses énormes pertes.
Facebook est désormais à la croisée des chemins. La 1ère phase de son expansion est désormais achevée, la société est désormais rentable, et a fait place nette face à ses concurrents réseaux sociaux, sauf sur le domaine professionnel ou Linkedin et Viadeo prospèrent.
Quelle peut être à court terme la stratégie de Facebook ?
a) La monétisation de l'audience par la publicité: Facebook est désormais un géant du net: Des centaines de millions d'utilisateurs actifs, soit une énorme audience à monétiser. Des milliers de sociétés se pressent désormais sur Facebook pour bénéficier de ses publicités ciblées. Facebook dispose d'une part de sa propre régie, d'autre part utilise les liens sponsorisés du moteur de recherche de Microsoft, qui détient 5% de son capital. Une fois le contrat le liant à Microsoft arrivé à terme, Facebook aura comme option soit de poursuivre le partenariat, soit d'augmenter sa valeur en développant son propre moteur de recherche. L'histoire de Facebook montre que la société n'a pas vraiment d'état d'âme, avec des renversements d'alliances fréquents.
b) La constitution d'une plateforme de marchés, à l'image des App Market, Android market, … Facebook dispose déjà d'une plateforme évoluée avec des APIs bien documentées. Une voie de rémunération sera de prendre une quote part des revenus des applications payantes, voire de faire payer les développeurs.
c) L'accroissement de son audience. La part de marché de Facebook est désormais énorme, et même en conservant le mode agressif de conquête d'abonnés, sa croissance va forcément ralentir, voire son nombre d'abonnés diminuer (ne resteront à moyen terme que les plus actifs, de nombreux autres s'étant inscrits pour voir).
d) Se développer dans de nouveaux domaines, en particulier dans le domaine téléphonique. Ce qui demande des ressources conséquentes.
Facebook n'a pour l'instant pas dévoilé de plan stratégique, et on en reste donc au niveau hypothèses. 3 éléments sont cependant à prendre en considération
--> La croissance des revenus va être élevée pour au moins 1 an, même avec une stagnation des abonnés, du fait de l'arrivée massive des sociétés sur Facebook. Si leur présence sur Facebook est rentable pour elles, ce qui reste à démontrer (membres souvent jeunes, et peu enclins à payer, sauf dans quelques domaines comme les sites de rencontres), Facebook aura partie gagnée et assurera sa croissance financière à horizon 5 ans. Et constituera une gigantesque menace pour ses compétiteurs.
--> Les seuls axes stratégiques dévoilés par la direction de Facebook sont d'une part la volonté d'attaquer la Chine, d'autre part de cibler les jeunes de moins de 13 ans. Il ne semble pas que ce soit une stratégie très élaborée, ni même très intelligente.
• Le marché chinois est fermé et le restera. Facebook prend donc le risque de perdre à la fois des sommes conséquentes, et beaucoup de temps.
• La cible des moins de 13 ans se montrera sans aucun doute très réceptive, mais fermera définitivement l'accès de Facebook à plusieurs pays, dont l'Allemagne.
--> Les coûts de fonctionnement de la société sont très élevés (coûts de stockage et de bande passante colossaux) , et sa marge est donc faible (des estimations donnent 150 millions de résultat net). Facebook n'a, jusqu'à sa levée de fonds en 2012, pas assez de moyens propres pour se déployer sur d'autres domaines, sauf à le faire en partenariat. Il y a donc une courte fenêtre de tirs à exploiter par ses concurrents.
Si Facebook disposait des fonds et ressources nécessaires (sera le cas après sa levée de fonds, ou en cas de succès exponentiel de ses offres publicitaires si pour les annonceurs la publicité sur Facebook se révèle rentable , ou encore si un partenaire (Microsoft) lui apporte les ressources nécessaires), quel serait son axe logique de développement, en dehors de l'accélération du déploiement de sa place de marché bien entendu ?
Pour y répondre ou en variante pour ses concurrents pour savoir comment contourner Facebook, il convient de mieux appréhender l'historique de ces réseaux sur Internet.
1) L'étape 1 de ces réseaux a été la messagerie bureautique, type Outlook. Le cercle des amis était peu ou prou celui du carnet d'adresse.
2) L'étape 2 a été la messagerie distribuée, dominée par Yahoo et Live, et dont l'âge d'or s'est achevée il y a 2- 3 ans. Elle s'est caractérisée par la migration d'un carnet d'adresse personnel à un carnet d'adresse réseau, et l'incorporation progressive de différentes fonctionnalités sur ce carnet d'adresse distribué: Messagerie instantannée, présentation de chaque membre (photo ou avatar, statuts, …), téléphonie ou visiophonie et surtout la fonctionnalité d'acceptation d'amis, …
Cette dernière fonctionnalité a été, par rapport aux messageries classiques la grande évolution vers les réseaux sociaux:
Au lieu que chacun se constitue un carnet d'adresse, il est d'abord possible de recevoir des demandes d'amis. Il suffit pour cela que ce dernier ait notre email ou notre identifiant (que soi même ou un proche lui a fourni), et il nous adresse sa demande. Auquel cas, sans que l'utilisateur n'ait rien à faire, son carnet d'adresse est mis à jour.
Et seconde évolution intéressante, le carnet d'adresse réseau lui même: La mise à jour de l'item ami considéré n'est pas faite par l'utilisateur, mais l'ami lui-même qui peut modifier sa ou ses photos, profils, statuts, … et qui peut même indiquer ce que ses amis peuvent voir de son profil, en distinguant éventuellement différents types d'amis, et différents niveaux de ce à quoi ils ont accès (on peut même bloquer provisoirement un ami). En clair, le carnet d'adresse, en devenant un carnet d'adresse réseau, ne nécessite plus qu'une seule opération, l'acceptation d'un ami: A lui de mettre à jour sa fiche contact, sachant que cette fiche est unique et que chacun dispose dans son carnet d'adresse d'une vue (au sens informatique du terme) plus ou moins étendue sur sa fiche (selon les profils attribués par le détenteur de la fiche donc)
3) L'étape 3 est constituée par Facebook et autres Myspace, mais aussi Linkedin ou Viadeo coté professionnels. L'évolution par rapport à l'étape 2 s'est faite sur 2 niveaux:
Le 1er niveau est la face immergée de l'iceberg: La possibilité de partager tout et n'importe quoi et de façon illimité avec son cercle d'amis: Photos, vidéo, nouvelles, groupes d'intérêts, … Certaines informations pouvant même être partagées avec le reste du monde (mur public). Différents niveaux d'habilitations ont peu à peu été développées, pour par exemple n'ouvrir son carnet intime qu'à un tout petit cercle d'amis intimes, … en faisant confiance au réseau pour qu'il n'exploite pas ces infos à sa guise…
Le second niveau explique la croissance fulgurante des réseaux sociaux: Le carnet d'adresse réseau enrichi et ses fonctionnalités de mise à jour par l'utilisateur ont bien entendu été conservées (simplement, au lieu de simplement mettre ses coordonnées et sa photo à jour, il peut mettre n'importe quoi, comme indiqué ci dessus ) . Mais, la grande innovation a consisté à permettre de faire des recherches d'amis, soit directement (recherche dans les réseaux d'amis de ses amis, selon le principe les amis de mes amis sont mes amis), mais aussi via les tonnes d'informations publiques publiées sur les profils (vidéos, photos, mur de commentaires, … ), ce qui permet des recherches par affinité, et booste les propositions de mise en contact, et donc l'accroissement du réseau.
Cependant, si la messagerie nstantannée a rapidement été intégré dans les réseaux sociaux, tel n'est pas encore le cas des fonctionnalités de téléphonie et de visiophonie, qui étaient nativement intégrées à l'étape 2 (les outils correspondants étaient certes développés par des géants du Net qui avaient les ressources nécessaires pour développer ces outils).
La stratégie logique sera donc de réintroduire la mise en relation directe par la téléphonie et ou la visiophonie. La mise en œuvre d'une telle solution serait un grand accélérateur pour Facebook: Evitera d'une part à 2 interlocuteurs de quitter l'application pour se téléphoner (ils resteront connectés, ce qui dopera les temps de connexion, … et rendra encore plus incontournable l'outil), permettra de proposer des mises en relation très lucratives avec les annonceurs (surtout si les outils de communication sont évolués, avec par exemple un partage de document, ou une aide (à la commande, ..) en ligne, bref un ensemble de fonctionnalités qui dopera la rentabilité de l'outil pour les annonceurs), voire même de se rémunérer sur des communications internationales à bas coût. Un véritable cauchemar pour les concurrents de Facebook, et pour les opérateurs téléphoniques sans doute.
Facebook ne dispose pas à court terme avant sa levée de fonds en 2012 d'assez de moyens pour déployer toutes ses idées, dont la solution ci dessus. Ce qui laisse un court créneau à ses compétiteurs pour contre attaquer. A moins qu'une alliance avec le tandem Microsoft/ Skype n'accélère les choses.
Outre les fonctionnalités de téléphonie, dans le cadre d'une alliance globale, Microsoft pourrait même amener des solutions élaborées de conf-call avec partage de documents, … à mettre à disposition de groupes d'amis (ou de réseaux internes d'entreprise) et ainsi écrémer une partie des communications d'entreprise. Et ceci à très court terme, si l'intégration de Skype se fait sans accroc !
Conclusion:
Facebook a connu une croissance phénoménale et a réussi l'exploit de supplanter les autres réseaux sociaux, y compris dans leurs pays d'origine.
De ce fait, il dispose de l'une des plus grandes audiences du Net, et attire à la fois de nouveaux annonceurs, et des développeurs pour proposer de nouveaux outils à cette communauté.
--> Le succès futur de Facebook dépend à court terme de l'évolution de cette audience (le nombre d'abonnés peut croître, mais proportionnellement beaucoup moins vite que par le passé) et de la rentabilité des investissements des annonceurs (ce qui reste à démontrer, même si ceux-ci devraient se ruer sur ce site au moins pour un an encore, ne fut ce que du fait de sa taille) et des développeurs pour les applications que ces derniers développent.
--> La grande application manquante de Facebook est la téléphonie. Mais Facebook, jusqu'à son entrée en bourse en 2012, ne disposera que de peu de moyens pour développer de telles fonctionnalités, à moins que le tandem Microsoft/Skype ne lui amène ces outils sur étagère. Il s'agit potentiellement d'un créneau et d'un angle d'attaque des concurrents Google, ou de Microsoft si l'alliance citée ci-dessus ne s'effectue pas.
--> Sur plusieurs points, on voit donc que Facebook ne maîtrise pas encore son futur:
Les membres resteront ils fidèles ou se lasseront ils, la société pourra t-elle se déployer avec un bon timing sur d'autres domaines, dont la téléphonie, et surtout les annonceurs rentabiliseront ils leurs investissements sur Facebook, en dopant alors les revenus de cette société. En cas de succès, Facebook disposerait tout de suite de moyens colossaux.
A l'inverse, ses concurrents auront le temps de trouver des parades.
Les compétiteurs du Net voient donc dans Facebook une menace d'autant plus grande qu'ils ne peuvent l'évaluer. Les sociétés n'aiment pas l'inconnu, c'est bien connu.
A l'opposé, Facebook peut être aussi pour eux une source de revenus: Ainsi, Google est un adversaire acharné de Facebook, mais ce dernier lui apporte un trafic non négligeable, par exemple vers Youtube.
Pour résumer, Facebook est donc considéré comme une nouvelle porte d'accès du Net, au même titre que les PC, mobiles, tablettes et bientôt consoles de jeux et TV. Mais avec comme spécificité d'être d'une part transverse aux autres portes d'accès à Internet, d'autre part en circuit fermé sans compétiteur possible. Avec comme crainte de ne pas pouvoir évaluer les futures limites de cette porte d'accès !
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