14 janv. 2008

Vers un engorgement des demandes de brevets

Le développement économique ulta rapide des pays dits émergents, Chine et Inde en tête, et surtout la course à l'innovation des leaders asiatiques, entraîne une augmentation spectaculaire des demandes de brevets dans le monde ... et une prise de retard de plus en plus criante de l'Europe dont les chiffres demeurent stables, l'Allemagne restant largement en tête.

L'effet le plus visible de cette augmentation des demandes de brevets est le retard pris par les grands offices de brevets qui croulent littéralement sur les demandes.
Ainsi, alors que 1,6 millions de demandes de brevets ont été déposées en 2005, derniers chiffres compilés par l'OMPI (organisation mondiale de la propriété industrielle), il reste en attente fin 2007 440.000 demandes en Europe, 838.000 au Japon et 1,1 million aux Etats-Unis, sans compter les autres pays.
Il faut dire que depuis 10 ans, le nombre de demandes annuelles croît de 4,7% par an au niveau mondial, alors que les effectifs de ces organisations ne suivent pas. Ceci dit, malheureusement, l'augmentation au niveau mondial, et l'engorgement qui s'ensuit est due à d'autres pays émetteurs.

La croissance des demandes vient surtout des pays du nord-est asiatique. Le Japon et les Etats-Unis restent certes en tête des demandes, avec respectueusement 430 000 et 390 000 demandes en 2005 (en brevets acceptés, les USA restent en tête), la Chine et la Corée du sud, arrivant en 3ème et 4ème position devant l'Europe dont le nombre de demandes reste stable (30 000 demandes pour la France ... ).


Un petit rappel pour mieux mettre en perspective le désastre qui a frappé l'Europe en terme de compétitivité technologique.
Au millieu des années 1990, le Japon avait déjà dépassé l'Eupope en terme de demandes et de dépôts de brevets. Demande et dépôt, ce n'est pas pareil: Considérez qu'au niveau mondial, un peu moins de la moitié des demandes de brevets sont acceptés et se transforment donc en brevets déposés (très variable selon les pays: c'est beaucoup plus en France - cf l'explication en fin de ce post) - le solde on trouve une antériorité, ou bien on n'y trouve pas d'élément innovant, ce qui revient à peu près au même.
Toute l'Eupope derrière le seul Japon dès 1995 !
Et bein, fin 2007, l'Europe n'est plus que 5ème dans ce classement, derrière respectivement les USA, le Japon, la Chine ... et la Corée du Sud: 42 millions d'habitants de ce dernier pays, plus innovants que les 400 millions d'européens !

A ce niveau, il ne s'agit plus d'une menace sur la compétitivité technologique de l'Europe, c'est bien un désastre déjà réalisé !
Que ceux qui ne sont pas encore convaincus fassent un petit tour dans les rayons technologiques des grandes surfaces. En 2000, les rayons mobiles et télévisions affichaient des linéaires de marques européennes (+ Sony il est vrai). En 2008, il ne reste en portable que Nokia coté Européen, et un peu Philips coté TV (ce groupe ayant 30 % de la co -entreprise LG Philips de production de dalles LCD, peut encore y apposer sa marque; mais les dalles sont fabriquées en Corée ou en Chine). Un peu plus d'1 millions d'emplois européens sur ces 2 seuls secteurs passés à la trappe.
Et je ne parle pas des autres secteurs technologiques.
Ceci dit, l’électronique et l’électricité représentent 30% des dépôts de la Chine et de la Corée sur les 5 dernières années, et c'est sur ce secteur que la percée est la plus flagrante.
Pourtant, l'avance technologique est et reste le seul moyen de résister aux futurs géants que sont la Chine et l'Inde (plus si futurs que cela d'ailleurs). A moins que vous pensiez encore qu'on peut se battre sur les coûts de production avec eux ?

Selon l’AFP, cette poussée est d'une part issue d’un haut niveau d’innovation, de l'autre d’une stratégie concurrentielle des grandes entreprises de ces pays dont le but est de " monopoliser des secteurs de développement aussi larges que possible " pour éliminer la concurrence. Avec des succès incontestables face à la concurrence des électroniciens d'Europe et en dehors de la sphère informatique, des USA. Ceux ci ont pratiquement été rayés de la carte (exit les Thomson, RCA, Brand, Telefunken, Blaupunckt, ...).
Pour ceux qui suivent les brevets, comme nous à Nevisto, il est frappant de constater un fait relevé par l'AFP: La même invention est brevettée plusieurs fois au cours de sa conception, à chaque fois qu'une modification même mineure y est introduite: Par exemple lors de l'idée, de l'écriture du 1er jet, ... De notre coté, nous attendonc d'avoir tout mis au point (le dossier s'entend) avant de la déposer: Vu le coût d'un dépôt (entre 6 et 10 K€ en moyenne), notre petite société ne peut se permettre d'en faire plus. Les grandes entreprises asiatiques si, ce qui explique le fort taux de refus dans ces pays par rapport aux demandes (contrairement à en Europe). . Mais au moins ils arrivent les 1ers.
Comme le soulignait Thierry Breton quand il était encore à Thomson puis à France Telecom, 2 entreprises où il a boosté autant que possible ces pratiques de dépôt à marché forcée, il s'agit plus de disposer qu'un catalogue de brevets lors des négociations entre grands groupes. Sachant qu'une "analyse contestatoire" de brevet prendra près d'un an, personne, lors d'une négociation à coup de milliards entre 2 grouppes qui déposent chacun 40 brevets sur la table sur une technologie intéressante, ne se risquera à demander une analyse de ceux ci. Mieux vaut donc en avoir le plus possible, même s'ils ne valent pas grand chose (on montre ses muscles donc). Par contre si on n'en a que 2 ou 3, là le concurrent fera intervenir ses experts (ce quon ne pourra faire pour leurs 40 brevets du fait des délais et coûts engendrés).

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